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J’aimerais publier mon jeu de rôle : par où commencer ?

Vous avez conçu un jeu de rôle, peut-être avez-vous déjà rédigé une première version. Mais voilà, c’est quoi la suite ? Comment faire pour le rendre disponible plus loin que votre entourage ? C’est parti pour un tour d’horizon de l’exercice de la publication !

Avertissement : cet article est basé essentiellement sur mon expérience d’auteur en auto-publication sans financement participatif. Toutefois, pour vous donner une vision plus large des possibilités, certains passages abordent tout de même d’autres options qui me semblent importantes à connaître.

Le format : l’œuf ou la poule ?

Pour faire très simple, le format c’est : à quoi va ressembler votre jeu une fois terminé et sur quel support ? (papier imprimé, PDF, ebook, audio, vidéo, etc.). 

Quand il s’agit de publier un jeu, il y a deux approches possibles. Soit partir du texte du jeu et choisir son format en conséquence. Ou bien partir du format et adapter son texte. On peut aussi tout simplement se poser la question du format en cours de route, et mixer les deux approches. Toutefois, il est bien d’avoir le ou les formats finaux en tête pour ne pas se retrouver à être obligé de choisir un format par défaut ou à retravailler tout le texte pour qu’il colle à un nouveau format auquel on n’avait pas pensé.

À ce stade, il est fort probable que votre jeu ressemble à des notes manuscrites ou à un texte à peine formaté sur un traitement de texte. Publier son jeu, ça peut être aussi simple que partager votre texte, en filant une copie des règles à des ami·e·s ou même en transmettant oralement le fonctionnement du jeu. C’est tout à fait valable ! Quand on imagine un jeu publié, le plus souvent on pense à un livre imprimé ou à un PDF avec une jolie couverture. Pourtant, il existe un paquet de façons de publier un jeu : partager le fichier de traitement de texte de son jeu sur le web, l’imprimer chez soi et le distribuer/vendre autour de soi ou en convention, sous la forme d’une carte de visite, d’une carte postale, d’un site web, d’un jeu vidéo, d’une vidéo Youtube, d’un post Instagram… Se poser la question du format, c’est aussi se demander ce qui serait le plus cohérent/fun/accessible pour votre jeu.

Des exemples de formats pour vous donner un aperçu des nombreuses possibilités :

T-shirt Cool de Guillaume Jentey / Sexy Battle Wizards de Grant Howitt – Deux exemples de jeux en une page.

Entre les premières notes et le texte final, il y a toutefois une étape qu’il ne faut pas négliger : la mise en forme. L’idée est de structurer son texte pour qu’il soit le plus compréhensible possible, avec un minimum de formatage du texte pour qu’on s’y retrouve : différents titres et sous-titres, texte aéré, texte en gras pour mettre en avant les points importants, éventuellement un sommaire pour s’y retrouver si le texte est long, etc. C’est cette version qui vous servira de base de travail pour les relectures et les corrections.

 

C’est quoi les relectures et corrections ?

Une fois que vous avez une version mise en forme du texte qui vous satisfait, il est important de passer par des phases de relectures et de corrections. La relecture permet notamment de vérifier la structure et la clarté de l’ensemble. La correction quant à elle permet  de vérifier l’orthographe, la grammaire, les règles de typographie et de mise en page standards. Vous pouvez le faire vous-même dans le cadre d’un petit projet mais je vous conseille vivement de demander à des ami·e·s voire à des professionnel.le.s de faire ce travail afin d’avoir une vision extérieure et des personnes qui ont des compétences que vous n’avez pas.  (oui, relecteur·ice / correcteur·ice, ce sont des métiers !). Si vous choisissez des pros, faites-le plutôt en fin de parcours, sur la toute dernière version et éventuellement la maquette si vous le pouvez.

La maquette

Une fois que votre première mise en forme a été relue et corrigée, on passe à l’étape de la maquette. Évidemment, l’idée est d’adapter votre texte aux contraintes du format. Si vous décidez de partager votre jeu sous format papier imprimé sur une feuille A4, vous allez devoir réfléchir à comment faire tenir tout le jeu sur cet espace, et comment agencer les différents éléments sur la page. La règle numéro 1 de la mise en page est la lisibilité : il est important que votre jeu soit bien lisible et compréhensible par n’importe qui. Si jamais vous faites des choix qui peuvent nuire à l’accessibilité, pensez à proposer une alternative, même si celle-ci est moins originale/jolie/fun. Si votre texte est trop petit ou si vous utilisez une police d’écriture très stylisée, il est possible que certain·e·s ne puissent pas découvrir votre jeu, et ce serait bien dommage, en plus d’être frustrant voire blessant pour les concerné·e·s.

Sous format numérique, un traitement de texte classique fait parfaitement l’affaire : Word ou LibreOffice en gratuit et libre. En ligne, Google Doc ou Framapad sont très pratiques. Si vous souhaitez aller plus loin, la référence de la mise en page professionnelle est Adobe InDesign (sur abonnement, plutôt onéreux), mais il existe des alternatives gratuites ou bien moins chères, comme Scribus (gratuit) ou Affinity Publisher (environ 50€ à l’achat). Ces logiciels demandent du temps pour les maîtriser, mais se révèlent très efficaces à long terme, et bien plus flexibles si vous envisagez une impression chez un imprimeur professionnel. Quoiqu’il en soit, la plupart des ces logiciels proposent des exports en PDF, qui est le format le plus courant pour du jeu de rôle partagé ou vendu sur le web.

Exemple de maquette sur le logiciel Affinity Publisher (Saga Héroïque Minima)

Si votre jeu tient sur quelques pages, il existe des solutions comme Canva (en ligne, gratuit), avec des modèles préconçus mis à votre disposition par des pro. Vous pouvez même simplement utiliser votre logiciel de présentations, type PowerPoint, dans lequel existent aussi des modèles préconçus.

Note : Tout comme pour les relectures et corrections, selon vos compétences et votre budget vous pouvez bien évidemment faire appel à un·e professionnel·lle pour réaliser votre maquette.

 

C’est quoi un éditeur ?

Ce guide est axé sur l’idée de créer et publier son jeu de A à Z, tout simplement parce que c’est mon expérience d’auteur en auto-publication. Pour autant, vous pouvez aussi faire le choix de faire publier votre jeu par le biais d’un éditeur. Il sera l’intermédiaire entre votre œuvre et le public. Le but d’un éditeur est de prendre en charge certaines étapes de la conception, publication, promotion et/ou distribution de votre jeu, en échange d’un pourcentage sur les ventes. Il vous accompagne dans la finition de l’œuvre, en fonction de sa ligne éditoriale.

Retrouvez des listes non-exhaustives des éditeurices francophones sur Wikipédia ou D1000&D100. L’idéal étant de déjà en connaître vaguement quelques-uns (par exemple ceux qui ont édité vos jeux favoris ?) et de vous informer sur leurs actus, via leurs sites ou interviews (certaines sont sur Lefix)

Les illustrations

Pour agrémenter la maquette, rien de tel que des illustrations. Ça vous permet de montrer l’ambiance de votre jeu, le type de personnage qu’on y joue ou plus simplement que ce soit beau et inspirant. Pour autant, les illustrations ne sont pas obligatoires. Vous pouvez tout à fait vous en passer et compenser par exemple par une belle qualité d’écriture ou une mise en page soignée. 

Gardez à l’esprit que le texte peut faire image ! En choisissant une fonte très ornementale et excentrique pour vos titres, vous obtiendrez déjà un beau rendu. Les familles typographiques sont comme toute création : elles sont sous licences ; pensez bien à vérifier que vous avez les droits de l’utiliser.

Si toutefois vous souhaitez proposer des illustrations, voici quelques possibilités à envisager :

Vous pouvez illustrer vous-même votre jeu. Vous n’avez pas besoin d’être un dessinateur émérite. Et si dessiner des personnages ou des décors est une difficulté pour vous, pourquoi ne pas dessiner des formes ou des motifs ?

Une autre possibilité est d’utiliser des photographies ou des illustrations libres. Vous pouvez les réaliser vous-même ou puiser dans des banques d’images libres de droit. Soyez attentif aux licences utilisées. La plupart demandent au minimum de mentionner l’artiste, parfois de partager votre jeu dans les mêmes conditions. Certains n’acceptent pas d’utilisation commerciale. Dans la même veine, vous pouvez aussi réaliser des photo-montages, c’est-à-dire assembler plusieurs photographies et/ou des éléments graphiques pour créer une nouvelle image qui aura du sens pour illustrer votre jeu.

Extrait de The Oathbreakers de Rae Nedjadi – Un exemple d’une maquette utilisant des images libres de droit de façon créative.

Note : Quelques exemples de sites de ressources:

Pourquoi ne pas faire appel à un ou une illustratrice ? Dans ce cas, pensez bien que tout travail mérite salaire. Si pour un très petit projet non commercial, certain·e·s pourraient accepter de réaliser une ou plusieurs illustrations gratuitement, je ne vous conseille pas de prendre cela pour acquis. Mieux vaut prévoir un budget pour cela et rémunérer des artistes (qui sont souvent dans des situations précaires). Personnellement je préfère ne pas illustrer un jeu ou les réaliser moi-même plutôt que demander à quelqu’un de travailler gratuitement ou de le sous-payer.

 

C’est quoi un financement participatif ?

À moins que votre jeu ne vous coûte rien d’autre que votre temps (par exemple dans le cas d’un PDF mis à disposition sur le web) ou si vous avez de quoi avancer l’argent nécessaire, il peut être délicat de financer un jeu. Aujourd’hui la plupart des projets de publications font appel au financement participatif. L’idée est de fixer un montant nécessaire pour financer le jeu, sur une plateforme qui prendra un certain pourcentage. Si le montant est atteint, vous aurez de quoi payer les coûts de production afin d’envoyer le jeu aux acheteurs. Si le montant n’est pas atteint, les acheteurs et acheteuses sont remboursé·e·s par la plateforme et vous ne perdez ainsi pas d’argent dans le processus. Ainsi, vous ne risquez pas d’investir de l’argent pour des jeux qui ne seront pas achetés, ce qui explique le succès de cette méthode.

À noter que c’est devenu aussi un élément de promotion efficace, puisque les financements participatifs s’étalent souvent sur plusieurs semaines, sont partagés sur les réseaux sociaux et par la presse et ont donc un temps d’exposition plus important que des jeux publiés qui ne passent pas par cette étape. Pour autant, organiser un financement participatif prend beaucoup beaucoup beaucoup de temps et d’énergie et vous engage à encore plus de sérieux et de professionnalisme puisque de l’argent est en jeu.

L’impression

Il y a un plaisir tout particulier à faire imprimer son jeu, tenir un objet physique qui est le résultat de sa créativité. Comme je le disais à propos du format, ce n’est pas du tout une étape obligatoire. Mais il faut reconnaître que les formats imprimés sont souvent davantage valorisés.

Première option : fabriquer soi-même son jeu. Il y a un certain plaisir à imprimer et relier un livre à la main. Mais évidemment cela peut prendre du temps selon la quantité que vous souhaitez mettre à disposition, cela peut être très répétitif. Il faudra aussi soigneusement budgétiser le prix du papier, de l’encre et des frais postaux.

Vous trouverez sur internet, et en particulier sur Youtube, plein de tutoriaux variés plus ou moins complexes à réaliser pour relier votre livre à la main. Comme ici avec l’Atelier Medicis.

Deuxième option : faire appel à un imprimeur. Vous trouverez localement ou en ligne des entreprises qui proposent de l’impression. La plupart vous feront un devis en fonction de votre demande. Si vous choisissez cette option, il vous faudra peut-être débourser une somme conséquente d’une seule traite, car il est plus intéressant de faire imprimer 300 exemplaires d’un coup que 50 exemplaires 6 fois. Ce qui veut aussi dire pouvoir stocker chez vous les livres puis les envoyer par la Poste un à un. À moins de faire appel à un distributeur, qui gèrera stockage et distribution, mais c’est un service plutôt onéreux.

Une troisième option intermédiaire est celle de l’impression à la demande. Le principe est de proposer votre jeu sur une plateforme d’impression, qui possède une boutique en ligne, et qui imprime votre livre chaque fois que quelqu’un en commande un exemplaire. C’est une solution idéale quand on ne peut/veut pas investir de l’argent, car vous n’avez pas d’argent à avancer. Au contraire, vous touchez à chaque vente une marge que vous aurez décidé entre le prix de l’impression, la marge de l’imprimeur, la TVA et les impôts sur les revenus éventuels, et le prix final pour l’acheteur. Toutefois, c’est une solution qui a aussi ses désavantages : la qualité de l’impression n’est souvent pas aussi bonne que de l’impression traditionnelle, les tarifs sont plus élevés globalement car chaque livre est imprimé sur demande (au lieu de commander une grande quantité, ce qui fait baisser drastiquement le coût de l’impression), le choix des formats est beaucoup plus restreint et vous dépendez de la plateforme pour gérer et vendre votre livre.

Bien sûr, vous pouvez cumuler plusieurs de ces possibilités et proposer différents formats, ce qui permettra notamment une plus grande accessibilité en fonction du budget et des besoins de chacun.

 

Les bases de l’impression

Peu importe le service d’impression que vous choisissez, vous devez au préalable bien préparer votre fichier:

  • Vos couleurs doivent être en CMJN (Norme Fogra 39)
  • Vos images doivent être de bonne qualité (300 pixels par pouce)
  • Vous devez éviter les filets et lignes trop fines (basez-vous sur du 0.2 mm minimum, ou du 0.5 pts)
  • Vous devez respecter les normes de votre service (imprimeur ou POD), que celui-ci doit vous fournir. Cela concerne les formats de papier disponibles, le format d’envoi du fichier (PDF), les marges minimales à respecter, et la dimension du fond perdu (une “marge externe” supplémentaire sur chaque page, qui sera coupée lors de la conception du livre). 

Pour bien préparer votre fichier, prévoyez vos marges avant la mise en page. C’est aussi valable et faisable sur des logiciels de traitement de texte! De manière générale, les marges internes requises sont d’environ minimum 5mm et les fonds perdus de 3mm.

Lancez-vous !

Publier un jeu peut faire peur, mais c’est en fait à la portée de chacun. J’espère que ce tour d’horizon vous sera utile pour vous lancer à votre tour.

Pour finir, voici une liste de ressources pour aller plus loin :

Ressources

Plateformes courantes d’auto-publication

En format numérique

Impression à la demande

Articles :

  • Quand votre premier jet et vos playtests sont en bonne voie, lisez Comment me dissuader de jouer à votre jeu pour réfléchir à votre propre point de vue sur les jeux, ce qui vous donne envie de les lire et les jouer, et comment donner aux autres envie de choisir votre jeu plutôt qu’un autre. 
  • Si vous vous lancez dans la création pour la gloire et la fortune, réfléchissez de nouveau. Ce serait une ruée vers l’or… sans or! Créez si cela vous fait plaisir, avant de penser à rentabiliser. Les témoignages sur le coût réel, en heures de travail pour peu de revenus, sont nombreux (en voici deux : psychee.org/blog/cher-un-livre-de-jdr-si-vous-saviez  et ptgptb.fr/demolir-le-reve-du-roliste )

par Gaël Sacré (avril 2022)
Illustration : Gaël Sacré, à partir d’une photographie de Kelly Sikkema 

Gaël Sacré

Auteur, traducteur et journaliste dans le jeu de rôle et ailleurs. Auteur de Happy, Happy Together, Cos'île et Saga Héroïque. Fondateur d'Horizons Solarpunk et actif chez les Courants Alternatifs, C'est pas du jdr et JdR Solitaire, entre autres ! Vous pouvez me retrouver sur mon site : www.gaelsacre.com

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