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Un guide pour jouer aux jeux Belonging Outside Belonging

Belonging Outside Belonging (BoB) est un label créé par Avery Alder et Benjamin Rosenbaum au moment de  la publication de leurs jeux Dream Askew et Dream Apart en 2018.

J’adore jouer à Dream Askew. Mes parties sont toujours très agréables, funs et riches. J’aime le rythme et l’ambiance à la table de jeu. J’aime également la manière dont Dream Askew laisse les joueurs très libres, leur offrant des thèmes très forts tout en proposant de nombreux guides. Et je retrouve ce plaisir dans les autres jeux rangés sous le label BoB.

J’ai donc eu envie d’écrire un guide pour permettre à tout le monde de découvrir n’importe quel jeu BoB et y jouer avec ses amis. Pourquoi ? Parce qu’aux premiers abords, les jeux BoB paraissent compliqués : ils prennent à contre-pied certaines habitudes des jeux de rôles. Alors que bien amenés, avec les bons conseils, on peut s’amuser dès la première partie vraiment sans trop se prendre la tête. Mais souvent cela nécessite qu’une personne à la table sache transmettre comment jouer.

Or, depuis sa création, plus de 50 jeux de rôle ont été publiés sous le label Belonging Outside Belonging. Mais tous les jeux ne fournissent pas forcément un guide nécessaire pour bien transmettre la préparation et l’animation d’une partie. Notamment certains supposent que vous avez déjà lu voire joué à Dream Askew ou Dream Apart.

Je vais donc essayer avec ce guide de vous donner les principales clés pour vous aider à jouer à un jeu Belonging Outside Belonging. Je l’ai pensé comme un tutoriel pour vous guider, étape par étape.

Mais rappelez-vous que si ce guide donne des indications, vous n’avez pas à prendre mes conseils pour argent comptant. Lisez votre jeu, lisez ce guide et trouvez ce qui vous convient le mieux pour mettre en place votre partie et vous amuser avec vos amis.

Ce guide est disponible au format PDF.

C’est qui ce BoB ?

Avery Alder et Benjamin Rosenbaum définissent le label Belonging Outside Belonging ainsi : un jeu BoB parle d’un groupe créant sa propre communauté en marge d’une culture dominante.

BoB désigne aussi un ensemble de règles de jeu :

  • le jeu est prévu pour 3 à 6 joueurs
  • il n’y a pas de meneur de jeu ni de dé
  • chaque joueur incarne un Personnage définit par un archétype – un modèle qui va lui permettre de créer son Personnage comme il le souhaite
  • les thèmes principaux du jeu sont répartis entre les joueurs grâce à des Cadres qui sont là pour aider les joueurs à trouver de nouvelles idées en lien avec l’univers du jeu
  • les joueurs participent ensemble à la création de l’univers par la création d’une Communauté à laquelle appartiennent les Personnages incarnés par les joueurs

Note : Personnages, Cadres et Communauté portent une majuscule car il s’agit d’éléments importants du jeu.

Le chapitre Designing new games de Dream Askew/Dream Apart précise que les lignes définies pour BoB ne sont que des guides. Chaque auteur est libre de les suivre ou de s’en écarter. 

Le label BoB est donc très ouvert et permet de nombreuses variations. Aussi – je me répète – lisez bien votre jeu et ne prenez pas ma présentation comme acquise et valable pour tous les jeux BoB. 

Pour la suite de ce guide, je vais m’attacher à décrire comment se présente un jeu BoB tel que Dream Askew – le BoB que j’ai découvert en premier et auquel j’ai le plus joué depuis 2016.

Illustration du jeu Dream Apart

A quoi ressemble une partie ?

Dans les grandes lignes, voilà comment se déroule une partie : les joueurs créent leurs Personnages, leur univers et leur font vivre ensemble une histoire improvisée qui prendra forme petit à petit. 

Les règles et la structure du jeu guident les joueurs et leur offrent des idées pour les aider. 

La partie se déroule comme une conversation dans laquelle les joueurs vont explorer et expérimenter des facettes de leurs Personnages et découvrir l’univers du jeu.

Chaque joueur dispose pour cela de sa fiche de Personnage et d’une fiche de Cadre. Les joueurs disposent également d’une fiche de Communauté qu’ils vont créer ensemble.

Ces supports contiennent des amorces et des actions à explorer pour faire avancer l’histoire. 

Alors que les joueurs remplissent ces supports, des questions vont émerger et appeler des réponses auxquelles les joueurs répondront en jouant des Scènes dans lesquelles ils incarnent leurs Personnages, pour découvrir qui ils sont et comment ils font face à des problèmes.  

Des Scènes émergent, les Personnages gagnent en profondeur, et l’histoire commence à se révéler par elle-même.

Une partie dure entre 3 et 4 heures. Elle peut se poursuivre sur plusieurs séances si les joueurs le décident ensemble.

Le rôle du facilitateur

Le facilitateur est le joueur responsable d’apprendre le jeu aux autres joueurs. Il guide également l’ensemble des joueurs lors de la phase de mise en place de la partie.

Il n’y a pas une seule bonne manière de parvenir à animer cette mise en place. Mais voici quelques conseils :

  • présentez les choses au fur et à mesure
  • écoutez les questions des joueurs sur les règles et prenez le temps d’y répondre en vous assurant que vos réponses soient comprises
  • montrez par l’exemple : tout en jouant, expliquez comment vous utilisez les règles

Le facilitateur n’est pas un meneur de jeu : c’est un joueur comme les autres. 

Illustration du jeu Wanderhome

Créer les Personnages, les Cadres et la Communauté

Quelque soit le nom donné à ces 3 éléments dans votre jeu, les Personnages, les Cadres et la Communauté sont les éléments clés d’un BoB. 

  • Un Personnage est incarné par un joueur. 
  • Un Cadre est un thème du jeu dont un joueur est responsable à un instant T. 
  • La Communauté est créée par l’ensemble des joueurs.

La création des Personnages, des Cadres et de la Communauté constituent le début de votre partie. Ils sont abordés dans cet ordre : les Personnages, les Cadres, puis enfin la Communauté. Dans la suite de ce texte, je m’adresse au facilitateur.

Les Personnages

Présentation et choix des Personnages

Débutez par la lecture à voix haute du texte d’introduction du jeu.

Ensuite, distribuez les fiches des Personnages à l’ensemble des joueurs – vous êtes un joueur comme les autres, vous prenez donc également une fiche de Personnage. 

Si il y a plus de fiches de personnages que de joueurs, répartissez-vous les autres fiches.

Une fiche de Personnage présente un archétype unique possédant des compétences, des connaissances, des envies, des points faibles et des perspectives au sein de la Communauté. Certains Personnages peuvent avoir une profession, mais tous n’en ont pas forcément.

Une fiche de personnages est organisée en 3 colonnes.

A tour de rôle, chaque joueur va présenter la fiche de Personnage qu’il a sous les yeux en lisant à voix haute la première colonne, celle à gauche de la fiche. 

Chaque joueur choisit alors l’archétype qu’il préfère pour en faire son Personnage. Le choix se fait par consensus avec les autres joueurs.

Ecartez les fiches qui ne sont pas retenues : elles ne seront pas utilisées pendant votre partie.

Remplir sa fiche de Personnage

Tous les joueurs remplissent simultanément la colonne du milieu de leur fiche.

Elle contient des choix à faire pour s’approprier l’archétype et en faire un Personnage unique.

Exemple : Choisir un nom, une apparence, un genre, un style vestimentaire, des compétences

Invitez les joueurs à présenter leurs choix aux autres au fur et à mesure et à ajouter librement des détails. Cela permet de présenter les Personnages de chacun et d’aider à se faire une idée de qui ils sont. N’hésitez pas à vous poser des questions sur les détails de vos Personnages (exemple : comment est ton tatouage ?), mais laissez des secrets ou des questions en suspens pour pouvoir alimenter le jeu ensuite !

Cette seconde colonne comprend le choix d’une question à poser à un autre joueur. Lisez ces questions, mais ne les posez pas encore. Vous pourrez le faire à l’étape de la Communauté.

Quand tout le monde a rempli sa fiche, prenez un moment pour présenter à nouveau votre personnage en incluant les détails que vous avez ajoutés.

Les fiches de personnages comportent une troisième colonne qui détaille les actions (appelées communément “Moves” ou “Manoeuvres”). En tant que facilitateur, je vous invite à attendre avant de présenter cette troisième colonne : c’est un bon moyen pour ne pas noyer les joueurs sous les informations. Expliquez leur que vous leur présenterez par la suite à quoi servent ces Actions. Si les joueurs insistent, présentez leur le chapitre intitulé Actions des Personnages.

Illustration d’une fiche de personnage du jeu 3 jours de soleil

Les Cadres

Les Cadres sont des aides de jeux symbolisant les thèmes forts de votre BoB. 

Présentation et choix des Cadres

Procédez de la même façon qu’avec les fiches de Personnages : distribuez les fiches de Cadres au hasard aux joueurs et prenez-en une également. 

Si il y a plus de fiche Cadres que de joueurs, répartissez-vous ces fiches supplémentaires.

A tour de rôle, lisez à voix haute le texte de présentation de chaque fiche.

Chaque joueur choisit alors la fiche de Cadre qui l’intéresse le plus.

Les fiches qui n’ont pas été retenues restent en jeu : placez-les à porté de main de tous.

Remplir sa fiche de Cadre

Sur chaque fiche de Cadre figurent des Désirs à choisir. Un Désir est quelque chose qui peut s’exprimer pendant la partie par exemple par le biais d’un personnage secondaire ou une ambiance, des émotions ou de nouvelles situations. Il n’y a pas de limite à l’interprétation de ce qu’est un Désir pour un Cadre.

Invitez les joueur à présenter leurs choix aux autres.

La fiche de votre Cadre vous donne des idées pour vous aider à donner vie à l’univers au cours de  la partie. Lisez les conseils qui figurent sur la fiche de votre Cadre et inspirez-vous en.

Comment expliquer ce qu’est un Cadre ?

Un Cadre est une aide de jeu dont dispose chaque joueur pour enrichir la partie avec l’un des thèmes importants du jeu.

La première chose à expliquer aux joueurs est la suivante : votre Cadre est là pour vous aider. 

A tout moment, vous pouvez vous pencher sur sa fiche pour y trouver des idées à ajouter à l’histoire. Un Cadre étant un des thèmes importants, vous serez assuré d’être toujours dans le ton du jeu.

Mais le Cadre que vous avez sous les yeux n’est pas votre “second Personnage” : il n’y a aucune obligation à l’utiliser pendant la partie.

Il n’y a pas de limite à ce qu’un joueur peut créer à partir de son Cadre : des personnages secondaires, des problèmes auxquels devront faire face les Personnages, des ambiances, des sentiments, des choix avec un prix à payer, annoncer des problèmes à venir, etc.

Exemple: vous avez choisi le Cadre des Manques et Pénuries. Aussi vous pourriez décrire comment le docteur de la communauté peine à trouver suffisamment médicaments pour soigner les gens. Ou placer dans une Scène comment l’absence de nuage dans le ciel depuis plusieurs semaines brûle la végétation. Ou encore créer une Scène dans laquelle plusieurs personnes aux traits tirés se plaignent aux Personnages de l’absence de nourriture, créant un début de mécontentement général.

Certains joueurs préféreront laisser de côté leur Cadre pendant la partie pour se concentrer sur leurs Personnages. C’est très bien ainsi, cela ne rend pas la partie moins agréable.  

Prenez le temps de bien l’expliquer aux joueurs. Vous pouvez même aller jusqu’à dire que jouer son cadre est optionnel. Présentez le simplement comme un support pour aider à trouver de nouvelles idées.

Quand jouer son Cadre et quand en changer

Contrairement à un Personnage qui est attribué à son joueur pour toute la durée de la partie, les Cadres peuvent changer de mains. Cela se produit dans certaines circonstances.

Invitez les joueurs à lire la section de leur fiche de Cadre qui présente “quand jouer son cadre” et “quand en changer”.

“Quand jouer son cadre” donne des clés pour savoir quand faire intervenir des éléments de la fiche de Cadre au cours de la partie. Le plus souvent, cela signifie qu’une situation fait appel au thème de votre Cadre.

“Quand en changer” présente des situations où votre Personnage interagit directement avec votre Cadre : il devient alors plus simple de passer votre fiche de Cadre à un autre joueur pour que celui-ci vous réponde lors d’une conversation ou d’un situation difficile.

Expliquez aux joueurs que vous pouvez tous changer votre Cadre lorsque :

  • votre Cadre entre en jeu dans une Scène où intervient votre Personnage : tendez votre Cadre à un autre joueur pour que celui-ci puisse le jouer le temps de la Scène.

Exemple : votre Cadre est celui des Gangs et votre Personnage est directement confronté à un gang lors d’une Scène

  • certains Cadres peuvent ne pas avoir été attribué à un joueur en début de partie et vous souhaiteriez le jouer temporairement ou de manière permanente : posez votre Cadre sur la table afin de le rendre disponible aux autres joueurs et prenez votre nouveau Cadre
  • vous êtes attiré par un autre Cadre. Vous pouvez tout simplement proposer un échange à un autre joueur

Les personnages secondaires

Les personnages secondaires sont les figurants de l’histoire. 

Les joueurs peuvent en ajouter à tout moment de la partie. Il suffit pour cela de les mentionner, de leur donner un nom ou un détail qui les permet de les reconnaître au premier coup d’oeil.

Exemple :
Première Pluie était le chaman le plus âgé de la région

Celui qui s’avança le premier était un colosse : il dépassait les autres d’une bonne tête

Marcus était le dernier serveur embauché par le Taulier

N’hésitez pas à les nommer, à leur improviser une courte histoire et à leur donner une motivation. Cela permettra de mieux les comprendre, les jouer et interagir avec. Demandez de l’aide aux autres joueurs si besoin. Soyez transparent : si un personnage secondaire que vous créez a une motivation ou un secret, je pense que cela sera plus intéressant si vous le partagez avec les autres, en définissant avec eux si leurs personnages sont au courant ou non de ces informations à cet instant du jeu.

Les personnages secondaires n’ont pas de fiche. Mais ce peut être une bonne idée de noter leurs noms, signes distinctif et motivation sur une feuille de papier visible par l’ensemble des joueurs afin de pouvoir se les rappeler par la suite.

Plusieurs joueurs peuvent tout à fait interpréter un même personnage secondaire tout au long de la partie. Suivez ce qui vous semble être logique et aller dans le sens de la partie. 

Exemple : Léa a créé le personnage secondaire d’Angela, une docteur pas très regardante sur les moyens de paiement, ni sur l’état de son matériel. A un moment de la partie, le Personnage de Léa se rend dans l’office d’Angela. Léa demande aux autres joueurs “Qui a envie de jouer Angela ?”.

Conseils pour jouer son Cadre

Comment jouer mon Cadre ? 

Voilà une question qui revient souvent lors d’une première partie. Et c’est bien normal !

Je vous propose quelques conseils faciles à suivre.

Jouez votre Cadre lorsqu’un autre joueur mentionne quelque chose en rapport avec lui : ajoutez alors un petit truc. Ce peut être un détail. Ou un événement qui surgit pendant une Scène. Ou un personnage secondaire. Ne vous souciez pas de comment cela s’inscrit dans l’histoire et comment cela va influer le cours de la partie. Dites simplement quelque chose en rapport avec votre Cadre.

Si vous êtes à court d’idée, relisez votre fiche de Cadre. Inspirez vous en pour créer quelque chose de nouveau Prenez votre temps. Si rien ne vous vient à l’esprit, ce n’est pas grave. Une idée surgira sans doute plus tard.

Exemple : Julie explique à quel point son Personnage est triste de ne plus avoir de nouvelles de sa mère qui vit à la Grande Ville. Votre Cadre est la Technologie et les Réseaux. Créez une Scène où son Personnage reçoit un message étrange en provenance de sa mère : le message est partiellement illisible, un bug ou une perturbation du réseau en a tronqué une bonne partie – mais il est clair qu’elle demande de l’aide pour aller rendre visite à une amie vivant seule dans les Terres Sauvages.

Illustration d’une fiche de Cadre du jeu Before The Spire Falls

La Communauté

Présentez la Communauté comme le lieu qui unit les Personnages dans un univers plus vaste. 

La Communauté possède sa propre fiche que les joueurs remplissent tous ensemble.

Alors que les joueurs remplissent ensemble la fiche, des questions vont naître, des situations émerger et des Scènes être jouées. J’y reviendrai après dans Suivez votre curiosité.

Remplir la fiche de Communauté

Placez la fiche de communauté là où l’ensemble des joueurs pourra la lire ensemble.

Tous ensemble, suivez les consignes situées dans la colonne à gauche de la fiche. Elles indiquent des choix qui sont à effectuer tous ensemble de manière collaborative.

Alors que vous effectuez ces choix, la fiche de Communauté vous invite à donner vie à la Communauté dessinant sa carte sur la partie droite de la fiche. Vous pouvez pour cela ajouter des symboles, des dessins, du texte, etc.. ce qui vous semble utile.

Discutez entre vous des éléments à placer sur la carte : les lieux de vies, où dorment les Personnages et les autres membres de la Communauté, etc. Si certains de vos Personnages ont une profession, demandez à leurs joueurs où sont situés les lieux où ils travaillent.

Veillez à utiliser tout l’espace disponible sur la fiche et espacez les éléments que vous créez.

Suivez votre curiosité

Se laisser porter par le rêve

Alors que les joueurs remplissent la fiche de Communauté et dessinent sa carte, vous entrez dans un mode de jeu que Avery Alder appelle le mode “idle dreaming”. Un terme que je traduirais volontiers par “se laisser porter par le rêve”.

Il s’agit de ce moment où les joueurs se posent des questions et où leur curiosité entre en action. Ce moment permet de déboucher progressivement vers les premières Scènes de la partie où les joueurs vont incarner leurs personnages.

C’est une notion clef des jeux BoB. Le mode “idle dreaming” permet de se mettre dans le bain progressivement en débutant par une phase de découverte qui laissera place naturellement au développement de l’histoire que vous allez jouer tous ensemble.

Pour commencer, interrogez-vous ensemble à propos de ce qui vient d’être mis en place : que trouvez-vous intéressant, beau ou effrayant ?  Qu’est-ce qui pour vous semble encore inconnu et mérite d’être développé ?

Ajoutez des détails en vous basant sur les réponses. Animez cette discussion en veillant à ce que chacun puisse avoir le temps et l’opportunité de participer. 

Vous pouvez par exemple ajouter des détails sur l’histoire de la communauté, les paysages et les autres personnes qui peuplent la communauté.

En tant que facilitateur, donnez l’exemple et attirez l’attention sur des questions qui n’ont pas encore trouvé de réponses.

Expliquez aux joueurs qu’ils doivent suivre leur curiosité et se sentir autorisés à l’exprimer.

Lorsque vous répondez à une question, exprimez ce qui vous plaît et ce qui vous intéresse. Parlez en ouvertement aux autres joueurs. Demandez aux autres s’ils souhaitent que vous précisiez vos questions et vos réponses.

Les étapes du idle dreaming

A ce stade, voilà comment va se dérouler la partie :

  • le mode “idle dreaming” où les joueurs posent des questions aux autres
  • certaines questions vont déclencher des Scènes que vous jouerez tous ensemble
  • à la fin d’une Scène, vous reviendrez au mode “idle dreaming”.

Ces 3 étapes se répètent jusqu’à ce que naturellement les Scènes s’enchaînent petit à petit sans que les joueurs ressentent le besoin de revenir au mode “idle dreaming”. Celui-ci pourra alors prendre fin si vous en pensez qu’il n’est plus nécessaire d’y revenir.

Je vais maintenant vous donner quelques conseils pour vous aider.

L’émergence de la première Scène

Un bon moyen de débuter une première Scène est que vous regardiez chacun la liste de questions qui figurent sur votre fiche de Personnage avec la mention “Posez une question au joueur à votre gauche”. Les joueurs peuvent y répondre comme ils le souhaitent : être brefs, ou développer leurs réponses. 

Peut-être ces réponses comportent des zones d’ombre et d’incertitude ? Peut-être le joueur interrogé souhaite développer sa réponse. Ou peut-être qu’il doit prendre une décision et cela semble trop important pour simplement dire “Je choisis cette option” ? Indiquez au joueur qu’il peut alors jouer une Scène pour l’aider à répondre à la question qui lui a été posée. Et que cela peut tout à fait être un flashback.

Exemple : un joueur vient de poser la question suivante au joueur situé à sa gauche: “Pourquoi ton personnage n’a-t-il pas confiance en moi ?”. Le joueur interrogé mentionne alors une trahison survenu quelques mois auparavant. En tant que facilitateur, interrogez-le sur les raisons de cette trahison et suggérez-lui de jouer cela dans une Scène où leurs deux personnages sont présents.

Je présente dans la section intitulée Les Scènes comment guider les joueurs lors de leur première Scène.

Retour au idle dreaming

La première Scène vient de se terminer, et vous revenez au mode “idle dreaming”.

Incitez les joueurs à poser d’autres questions. En tant que facilitateur, montrez l’exemple et posez une question à un joueur à propos de son personnage ou d’un élément créé lors de la phase autour de la fiche de Communauté. Suggérez-lui de débuter une nouvelle Scène pour y répondre si vous sentez que sa réponse comprend des éléments difficiles à définir de manière arbitraire. 

Exemple : les joueurs ont décidé que ce qui empêche leur communauté de s’aventurer dans les Terres Sauvages est la présence de gangs de pillards dirigés par des chefs de guerre. Posez la question suivante à un joueur : A quand remonte le dernier contact entre la communauté et l’un de ses gangs ? Invitez ce joueur à jouer la Scène.

Rappelez aux joueurs d’écouter leur curiosité et de la suivre pour remplir les zones d’ombres. 

Une Scène peut également débuter sur un détail. Quelque chose d’aussi personnel qu’une émotion.

Exemple : un Personnage a été défini par son joueur comme une personne au visage triste et fermé. Cela a-t-il toujours été le cas ? Quand a-t-il ressenti pour la dernière fois une profonde tristesse ? A quelle occasion ?

Quand mettre un terme au idle dreaming ?

Lorsque les Scènes s’enchaînent petit à petit sur un rythme naturel, vous constaterez qu’il n’est plus nécessaire de revenir au mode “idle dreaming”. 

Laissez les Scènes s’enchaîner naturellement. Ne cherchez pas au début à les rassembler autour d’une histoire commune : cela viendra naturellement lors de la suite de la partie.

Illustration du jeu Balikbayan

Les Scènes

Une partie d’un jeu BoB est rythmée par des Scènes. Une Scène est une vignette dans l’histoire dont la durée n’est pas fixe. Certaines Scènes peuvent être jouées en 2 minutes, d’autres en 20 minutes. Tous les joueurs peuvent créer et participer à une Scène.

Débuter votre première Scène

Alors que vous êtes encore en mode “idle dreaming”, ne cherchez pas à débuter votre première Scène en réfléchissant immédiatement à l’ensemble des détails de celle-ci.

La Scène peut débuter par quelque chose de très simple comme une ligne de dialogue, un détail d’ambiance ou l’expression d’un sentiment.

La Scène débute. Voyez comment lui donner vie progressivement. Invitez tous les joueurs à poser des questions pour lui donner vie. Faites en sorte que chacun puisse participer :

  • Qui est présent ?
  • Où se déroule cette Scène ?
  • Qui est au centre de l’action ? Qui assiste à la Scène ?
  • Quelles odeurs sont perceptibles ?
  • A quel moment de la journée sommes-nous ? A quoi ressemble le ciel ?
  • etc.

Chaque joueur peut contribuer à ajouter des détails dans une Scène. En tant que facilitateur, veuillez à ce que chacun participe à l’ajout de détails à propos de l’ambiance et du monde qui entoure les Personnages prenant part à la Scène. Certains joueurs se montreront peut-être plus silencieux que d’autres : assurez-vous qu’ils se sentent à l’aise et rappelez leur qu’ils peuvent à tout moment enrichir la Scène par un détail ou une question.

Incarner un personnage

Jouer son Personnage peut être quelque chose qui pose question aux joueurs débutants. Indiquez leur qu’ils peuvent le faire en expliquant ce que fait leur Personnage à la troisième personne comme à la première personne. 

Conseillez leur de décrire leur Personnage : ce que les autres peuvent percevoir du premier coup d’oeil, leur manière, ce qu’on peut lire sur leur visage.

Incitez les à faire agir leur Personnage pour découvrir ce qu’il va se passer et découvrir qui est leur Personnage.

Les prochaines Scènes

Si la première Scène se termine et qu’elle appelle à une autre Scène comme suite logique, jouez cette nouvelle Scène immédiatement.

Si au contraire, la suite n’est pas évidente, revenez tous ensemble au mode “idle dreaming”. Posez ensemble des questions et suivez votre curiosité. 

Si certains joueurs n’ont pas encore posé la question de leur fiche de personnage au joueur situé à leur gauche, invitez-les à poser cette question. Et voyez si la réponse peut permettre de débuter une nouvelle Scène.

Exemple : Créez une Scène d’introspection où seul votre Personnage est présent. Qu’est-ce qui le préoccupe ? Jouez ses pensées, ses doutes. Explorez un aspect de sa personnalité ou de son rôle au sein de la communauté et invitez les autres joueurs à jouer un personnage secondaire ou à jouer leurs Cadres.

Lorsque de nouvelles Scènes débutent, incitez le joueur qui la propose à expliquer aux autres joueurs pourquoi la Scène l’intéresse.

Terminer une Scène

Il n’y a pas de formule magique pour déterminer quand et comment terminer une Scène.

Là encore, posez des questions – cela ne rendra jamais votre partie moins intéressante ! Demandez aux autres joueurs si la Scène doit s’arrêter lorsque vous sentez que ce qui devait être exploré dans la Scène a été exploré. Ou lorsqu’une question a trouvé sa réponse.

Actions des Personnages

Sur la fiche des Personnages figure une troisième colonne comportant les Actions (ou “Moves”).

Lorsque les Personnages entreprennent quelque chose, ils effectuent une Action.

Dans Dream Askew, l’action “par défaut” est “Accomplis une action en te rendant vulnérable”. Cela signifie que le joueur peut faire entreprendre à son Personnage ce qu’il souhaite mais cela le met dans une situation où il est vulnérable.

Mais à tout moment lorsqu’un joueur doit faire agir son Personnage, il peut jeter un oeil à sa fiche sur laquelle figure des Actions prédéfinies dans lesquelles il peut piocher.

Les Actions d’un Personnage lui sont propres.

Elles sont classées en 4 catégories :

  • les Actions “ordinaires”
  • les Actions “faibles”
  • les Actions “fortes”
  • les Attraits

Les Actions ordinaires

Les Actions ordinaires définissent le style de votre personnage, son identité. Le joueur peut piocher dans cette liste librement à tout moment lorsqu’il cherche une idée en accord avec l’archétype de son Personnage.

Exemple d’Action ordinaire

  • Accompli une action en te rendant vulnérable
  • Fixe une personne dans les yeux sans ciller
  • Mens de manière plutôt convaincante.
  • Utilise tes pouvoirs psychiques avec des effets secondaires inattendus
  • Occupe-toi d’un boulot routinier et sans accroc

Les Actions faibles 

Je me permets de les appeler les Action vulnérables – je trouve le terme beaucoup mieux adapté. Lorsqu’un joueur choisit une Action vulnérable, il révèle une vulnérabilité de son Personnage, sa folie ou un réel manque de chance. Cette Action le met en difficulté. 

Jouer une Action vulnérable fait gagner un Jeton au joueur (voir plus bas).

Exemple d’Actions vulnérables:

  • Attire une attention indésirable
  • Perds quelque chose de très important
  • Menace une personne ou une chose bien trop puissante pour toi
  • Admets ta culpabilité
  • Révèle tes sentiments

Les Actions fortes 

Lorsqu’un joueur choisit une Action forte, il révèle les capacités, les compétences et la puissance de son Personnage. Le Personnage prend les devants et montre son potentiel.

Jouer une Action forte demande au joueur de dépenser un Jeton (voir plus bas).

Exemples d’Action fortes :

  • Trouve les bons mots pour dissiper la peur de quelqu’un et lui redonner confiance en lui
  • Dégaine avant qu’ils n’aient le temps de bouger
  • Mets-toi à l’abri du danger
  • Soulage la douleur de quelqu’un.

Les Attraits

Les Attraits sont des Actions particulières qui permettent à un joueur de gagner un Jeton (voir ci-après) en interagissant avec un autre personnage.

Chaque fiche de Personnage comprend un Attrait. 

En tant que facilitateur, veillez à ce que chaque joueur présente l’Attrait de son Personnage aux autres en début de jeu. Il peut être intéressant de les noter sur une feuille à disposition de tous pour que chacun puisse y avoir accès à tout moment.

Exemple d’Attraits:

  • Quand quelqu’un t’invite à utiliser tes dons psychiques sur lui, il gagne un jeton.
  • Lorsque quelqu’un fait appel à toi pour que tu règles l’un de ses problèmes, il gagne un jeton.

Pourquoi utiliser des Jetons ?

Les joueurs débutent la partie sans aucun Jeton.

Les Jetons donnent un rythme à la partie. Ils assurent que chaque Personnage vive des complications, soit victimes d’erreurs ou de manque de chance tout en lui offrant des moments de gloire et de succès.

Les Jetons permettent également de mieux coordonner les attentes des joueurs. Si un joueur fait accomplir une Action à son Personnage sans Jeton, les autres joueurs savent que ce qui va suivre va être un moment de faiblesse ou une erreur. Au contraire, lorsqu’un joueur dépense un Jeton pour accomplir une Action forte, les autres savent que le Personnage va avoir son moment de gloire à lui et qu’il le mérite.

Précisez aux autres joueurs qu’il vaut mieux annoncer à voix haute quand on prend ou perd un Jeton.

Certaines Actions sont des questions

Dans les listes d’Actions ordinaires, vulnérables et fortes se trouvent des questions. Ces questions portent sur les Personnages et l’histoire. Mais le joueur adresse la question qu’il a choisie directement à un autre joueur, pas par le biais de son Personnage. Le joueur interrogé doit alors répondre honnêtement et dire la vérité. 

Cela ne signifie pas nécessairement que son Personnage reconnaisse ouvertement cette réponse. Le Personnage du joueur qui a posé la question peut déduire cette réponse par de petits détails, comme par exemple au cours d’une conversation.

Exemples de questions ordinaires :

  • Qui tire vraiment les ficelles, ici ?
  • Qu’est-ce que tu as qui a besoin d’être réparé ?

Exemples de questions vulnérables :

  • Qu’est-ce qui me rend vulnérable dans cette situation ?
  • Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter la colère de ton personnage ?

Exemples de questions fortes :

  • Qu’est-ce que ton personnage désire secrètement, là, maintenant ?
  • Qu’est-ce que ton personnage a et qui pourrait m’intéresser ?
Illustration du jeu Révolution

Quelques conseils supplémentaires

A ce stade de ce guide, vous avez toutes les bases pour vous approprier votre jeu BoB et animer votre partie. Ce qui suit ce sont des conseils d’ordre plus général qui pourront vous aider sur différents sujets.

Proposez du jeu

Faites des suggestions aux autres joueurs, mais laissez les libres de prendre leurs propres décisions et de choisir : proposer mais pas imposer est une règle importante dans ce type de jeu.

Proposer du jeu c’est aussi mettre des éléments de l’environnement réutilisables, créer des ambiances… que les autres joueurs pourront saisir dans leur jeu. Exemple : « en me rendant à la ressourcerie, je longeais le mur de l’enceinte ouest, couvert de ces inscriptions bizarres que je peinais à comprendre »

S’attarder sur la description de l’environnement, la traiter comme un tableau, permet d’installer une ambiance et des éléments sur lesquels les autres auront peut être envie de rebondir, avec leur Personnage ou leur Cadre.

Créez des problèmes

Au cours de la partie, n’hésitez pas à créer des épreuves auxquelles devront faire face les Personnages. Créez des problèmes par le biais de personnages secondaires avec des objectifs antagonistes aux Personnages. Créez des problèmes en introduisant des événements imprévus en piochant dans les idées de votre Cadre.

Pourquoi ? Pour donner aux Personnages des opportunités de prouver qui ils sont, de trouver des solutions, de briller par leurs dons et leurs compétences.

Votre but ne doit pas être de faire souffrir les Personnages – et certainement pas les joueurs ! Créez des problèmes car les épreuves sont un bon moyen d’explorer la vulnérabilité des Personnages et d’explorer une Communauté menacée.

Soyez spontanés 

N’élaborez pas trop vos idées. Au contraire, saisissez la première idée qui vous vient en tête et offrez la aux autres joueurs. Créer “à la volée” en suivant votre première idée vous amènera à une forme de lâcher prise, un état d’esprit vous permettant de ne pas ressentir de pression: Rien ne vous oblige à être original.

Les Actions et les éléments présents sur les fiches de Personnages et de Cadres sont là pour vous soutenir : servez-vous en comme des aides de jeu si vous êtes à court d’idées.

Il vaut mieux une première idée clichée et attendue avec laquelle jouer et vous amuser qu’une idée trop pensée à l’avance et avec laquelle vous vous sentiriez en train de forcer votre imagination.

Soyez fan de l’histoire et des Personnages

Un bon moyen d’y parvenir est d’écouter les autres joueurs. Un jeu de rôle est un effort commun auquel les joueurs consentent pour s’amuser. 

Soyez attentif aux éléments créés par les autres joueurs, et lorsque vous prenez la parole, réutilisez ces éléments pour les enrichir et vous en servir comme base.

Exemple : un joueur, Marc, a parlé lors de la création de son Personnage d’un détail : le fait que son chien Smaug passe ses journées dans les pattes des clients au bar du coin. Alors que vous cherchez une idée de Scène, vous repensez à ce chien. Vous pourriez alors le placer au centre de votre nouvelle Scène. Et vous dites “Aujourd’hui est arrivé une inconnue qui vient de la grande ville, et Smaug l’a soigneusement évité depuis une heure”. Vous vous adressez à Marc et lui demandez : “Qu’est ce qui perturbe Smaug ?”

Ayez confiance dans les autres. Mettez à l’épreuve leurs Personnages pour leur offrir le moyen de les mettre en avant. 

Dans un jeu sans meneur, l’histoire est une exploration. Personne ne peut prévoir vers où l’histoire mènera les Personnages. Il faut se sentir à l’aise avec cela. 

Un réflexe logique pourrait être de vouloir ramener l’histoire dans une direction afin de faire en sorte que la partie ressemble à un film : avec un début, un développement et une fin.

Résistez à cette envie de tordre seul l’histoire dans ce sens.

Parlez-en aux autres joueurs. Posez leur ouvertement des questions, écoutez leurs réponses et décidez ensemble.

Aborder des thèmes inconnus

Les jeux BoB peuvent parfois aborder des thèmes qui ne sont pas familiers pour l’ensemble des joueurs. Cela peut être le cas avec Dream Askew qui propose des archétypes de personnages queer et emploie des termes d’identité de genre.

Les joueurs peuvent avoir des connaissances très différentes de ces thèmes. Heureusement, nous disposons de deux outils très utiles pour que chacun soit à l’aise.

  • posez des questions. Si vous n’êtes pas sûr d’un mot ou d’un concept, demandez aux autres joueurs de quoi il s’agit. Peut-être quelqu’un pourra vous l’expliquer. Ou vous pourrez alors ensemble vérifier ou simplement inventer ensemble une explication
  • corrigez avec tact. Si quelqu’un fait une erreur culturelle ou historique, ce n’est pas grave : expliquez lui son erreur et proposez une explication.

Lorsque j’ai joué pour la première fois à Dream Askew, je ne connaissais rien des thématiques queer : je voulais juste jouer à ce jeu aux règles et aux thèmes incroyables. C’est en posant des questions et en acceptant de corriger mes erreurs que j’ai pu m’amuser tout en découvrant de nouveaux mots et de nouveaux concepts.

Assurez-vous que les joueurs soient à l’aise 

Chaque groupe de joueurs devrait être capable d’évaluer le niveau de confort qui convient le mieux à tous. Pour cela discutez avec les autres joueurs des thèmes du jeu et écoutez leurs réponses. Définissez avec eux les sujets sensibles ou les choses qui peuvent les mettre mal à l’aise, sans leur demander de justifier pourquoi. 

Nous avons tous des histoires différentes et parfois douloureuses, des peurs que nous ne souhaitons pas reproduire dans notre loisir préféré. Nous sommes là pour nous détendre et notre bien-être passe toujours avant  le jeu.

Plusieurs guides peuvent vous aider à animer ces discussions. Notamment cet article tiré de l’ouvrage La Boîte à outils du meneur de jeu qui vous permettra de trouver votre propre manière de faire.

La méthode des listes

Il y a une méthode que j’aime beaucoup pour exprimer les attentes et les limites des joueurs. Elle est très simple à utiliser. En début de partie, prenez une feuille et tracez trois colonnes. En en-tête de ces 3 colonnes, inscrivez “thèmes verts”, “thèmes jaunes” et “thèmes rouges”.

Lisez ce qui suit aux joueurs : “Nous allons préciser clairement les éléments que nous avons vraiment envie de voir dans l’histoire, tout en évitant les éléments que nous préférons ne pas jouer. Nous ferons de notre mieux pour nous concentrer sur l’histoire que nous désirons raconter, et éviter les thèmes inconfortables.”

Rappelez aux joueurs que l’on peut toujours compléter ces listes plus tard, à tout moment au cours de la partie. Il suffit pour un joueur de se saisir de la fiche d’aide et d’écrire dessus.

Chacun présente ses thèmes verts. Qu’avons-nous envie de voir dans le jeu ? 

Chacun présente ses thèmes jaunes. Qu’avons-nous envie de voir juste un petit peu ? Chacun présente ses thèmes rouges. Qu’est-ce que nous ne verrons pas du tout dans le jeu ?

C’est vous qui connaissez le mieux votre groupe de joueurs. Décidez si tout le monde écrira d’abord ses réponses, ou si chacun doit les verbaliser. 

Les pauses

Les pauses sont des outils puissants pour permettre à chacun de se sentir à l’aise.

Prenez le temps de faire des pauses de 5 à 10 minutes pendant la partie. Invitez les joueurs à proposer des pauses quand ils estiment en avoir besoin. 

Le jeu demande de l’attention aux joueurs tout du long de la partie. Et cela peut rapidement faire chauffer les cerveaux !

Proposez une pause pour des raisons aussi triviales et pratiques que la pause pipi ou aller se chercher à boire mais aussi pour se laisser le temps de digérer l’histoire et d’apprécier ce qui vient d’être joué.

Au retour d’une pause, on revient souvent avec des idées nouvelles. C’est également un bon moyen de trouver de nouvelles questions à poser.

Les silences

Les silences sont une part importante d’une partie d’un jeu BoB. 

On peut avoir besoin d’un silence pour formuler dans sa tête une idée. Ou pour profiter d’un moment dans une Scène particulièrement plaisante. Ou encore pour donner une respiration à l’histoire pour montrer que son Personnage réfléchit ou encaisse une émotion.

Quand on joue à distance, les silences peuvent poser question : en l’absence d’un retour visuel et de gestes, difficile de savoir si on peut alors prendre la parole au risque de couper la parole.

Il n’y a pas de recette magique! Même avec un peu d’expérience, on se sent parfois déstabilisé. Et chaque groupe de joueurs ressent cela différemment.

Je vais vous donner mon truc car j’aime beaucoup jouer avec les silences : parlez des silences au début de la partie. Désamorcez tout de suite le sujet et trouvez avec les autres joueurs votre technique pour chacun se sente à l’aise avec les silences. Ce peut être un geste, ou un message dans un tchat. Ou encore plus direct : posez la question ouvertement lorsque vous hésitez à prendre la parole lors d’un silence. “Est-ce que tu as terminé ?” ou “Est-ce que je peux intervenir ?” sont toujours de bonnes questions : elles ne nuiront pas au plaisir des autres. Ni au vôtre. 

Communiquez avec les autres joueurs

Montrez aux autres joueurs lorsque vous aimez ce qu’ils font. 

On néglige parfois de le faire alors que nous sommes pris par l’histoire. 

Un retour peut prendre plusieurs formes. 

Si vous jouez en ligne à distance, cela peut passer par un message dans le tchat, un emoji ou un gif (oui je suis pour l’utilisation des gif en partie 🙂 c’est un bon moyen aussi de réduire la pression lors d’une Scène difficile et de rire !

Vous pouvez tout simplement le dire : “J’aime beaucoup ce que tu viens de dire”.

Plus vous partagerez votre amusement et le plaisir que vous prenez à jouer, plus les autres joueurs seront enclin à faire de même.

Jouer avec des joueurs de jeux de rôle vétérans

Vous l’aurez compris, les jeux BoB sont généralement sans meneur de jeu attitré et peuvent désarçonner les habitudes des joueurs habitués à d’autres jeux de rôles. Les parties des jeux de rôles avec un meneur de jeu sont différentes : l’histoire peut suivre un schéma défini lorsqu’une seule personne est seule à arbitrer la créativité. 

Ce n’est pas le cas ici ! 

N’importe qui peut pour un instant agir comme un meneur de jeu. 

C’est  une collaboration entre tous les joueurs présents. 

Hors jeu, en jeu et immersion

Un point important qu’il faut expliquer aux joueurs habitués aux jeux de rôle en début de partie – peut-être même au moment où vous leur proposer la partie : dans un jeu BoB, les moments “hors jeu” et “en jeu” s’entre-mêlent. 

Si je le précise, c’est que chaque joueur de jeux de rôle a son propre ressenti par rapport à ce qui est appelé “l’immersion” : ce moment où le joueur incarne son Personnage et où il pense et ressent comme lui. Il faut évoquer ce sujet, c’est important car cela peut aller à l’encontre de leur confort. 

Une bonne manière de le présenter est d’expliquer que le jeu se déroule comme une conversation. Les joueurs vont tour à tour incarner leur Personnage et agir en dehors de leur Personnage pour enrichir les Scènes de détails. Cela doit se faire de manière naturelle, au cours de la conversation entre les joueurs.

Les Cadres ne sont pas comme un second Personnage : si un joueur ne se sent pas à l’aise à l’idée de proposer des personnages secondaires ou des éléments de son Cadre, n’hésitez pas à lui proposer de le laisser de côté. Peut-être peut-il laisser son Cadre de côté pour que les autres joueurs s’en saisissent quand ils en sentent le besoin.

Le besoin d’être un joueur pro-actif

On dit souvent que les jeux de rôle sans meneur nécessitent que les joueurs soient tous pro-actifs. Il y a comme une idée de “performance” derrière ce terme. Les joueurs devraient être “de bons joueurs”, déborder d’imagination, être inspirés tout le temps pour que la partie soit plaisante.

Cette idée amènerait à voir un jeu BoB comme un 100m haies ou un marathon : ce serait au prix d’un effort constant que l’on parvient à tous s’amuser.

Et cette idée peut effrayer – moi même j’y ai longtemps souscrit et je ne me suis pas toujours senti à l’aise lors de mes premières parties.

Mais avant d’apprendre à courir, nous commençons par apprendre à marcher. 

Nous pouvons revoir nos attentes. Prendre notre temps. Faire un effort d’être présent à la table de jeu, de créer des idées, de jouer petit à petit mais seulement à hauteur de ce qui est confortable pour nous. C’est très bien ainsi et la partie ne sera pas moins agréable.

Si chacun contribue à hauteur de ce qu’il peut fournir sans puiser dans ses réserves, la partie n’en sera que meilleure.

Je vous recommande d’aborder ce sujet avec des joueurs de jeux de rôle pour qui le jeu de rôle sans un meneur de jeu unique est nouveau. 

Rappelez leur qu’il ne s’agit pas d’une course de fond. Que l’essentiel est de s’investir dans la partie tant que cela nous est agréable. Et que nous pouvons tous contribuer à l’effort des autres.

Insistez également sur le fait que la partie n’a pas besoin de correspondre à une structure de film ou de roman. Le récit sera plus probablement une succession de vignettes qui n’ont pas besoin d’obéir à une logique clairement identifiable. Du moins pas dans un premier temps.

Ne vous préoccupez pas de rassembler les personnages comme un groupe

Une partie de jeu BoB ne nécessite pas que l’ensemble des Personnages soient ensemble dans toutes les Scènes pour collaborer. Les Personnages seront le plus souvent séparés, feront face seuls à des épreuves.

L’histoire que vous allez jouer ressemblera beaucoup à ces séries où l’histoire va se composer de plusieurs arcs narratifs. Nous allons aller et venir d’un Personnage à un autre, d’un lieu à un autre.

Un peu de conflit entre les Personnages

Il est tout à fait acceptable qu’il y ait lors de la partie des conflits entre les Personnages (pas les joueurs !). Ce n’est pas la peine de forcer le trait pour qu’il y en ait dans votre partie, mais ces conflits peuvent déboucher sur des moments très amusants. 

Comme dans les films ou les romans, ces conflits offrent de belles opportunités de s’amuser. 

De plus, ils laissent plus de liberté dans l’interprétation des Personnages. Tous ne sont pas obligés d’être toujours d’accord avec les actes et les propos des autres Personnages.

Exemple : Marc a décidé qu’après la mort du chef du gang de pillards, il était temps pour la communauté de s’ouvrir et d’accepter de conclure une alliance. Le Personnage de Julie qui a dans son enfance subit avec sa famille la guerre de plein fouet s’oppose catégoriquement à faire confiance à des individus armés. C’est une bonne occasion de créer une Scène de d’opposition entre ses deux personnages.

Savoir combien de temps on joue

Une partie d’un jeu BoB est meilleure lorsque les joueurs ont discuté ensemble dès le départ d’une durée.

Jouez-vous à ce jeu pour un soir ? Si oui, à jusqu’à quelle heure les joueurs sont partants pour jouer ? Vous est-il possible d’enchaîner plusieurs parties dans les prochains jours ?

Connaître la durée vous permettra d’aider tous les joueurs à se sentir à l’aise avec le rythme de l’histoire.

Si votre partie est courte – mettons que vous jouez pendant 3 heures sans volonté de prolonger lors de parties à venir – il est possible que l’histoire de vos Personnages ne rencontre pas de conclusion, comme dans un film ou un roman. Assurez-vous de le dire aux autres joueurs afin que chacun puisse profiter de la partie en se sentant à l’aise avec cela.

Si vous choisissez de jouer sur plusieurs séances, vous disposerez de plus de temps pour poser les Personnages et la Communauté. N’hésitez pas à discuter tous ensemble à la fin de la séance de l’histoire telle qu’elle se déroule jusqu’à présent. Posez des questions sur les Scènes que les joueurs pourraient vouloir jouer à la prochaine séance et prenez quelques notes rapides.

Mettre en place une partie

Je vous propose un petit résumé des étapes de mise en place de votre partie.

La préparation

Au moins un joueur devra avoir lu le jeu dans son intégralité. Il sera le facilitateur de la partie. Dans tous les cas il doit prévoir du temps pour expliquer les règles aux autres joueurs.

Rassembler le matériel nécessaire à la partie : 

  1. imprimez l’ensemble des fiches de Personnages et de Cadres ainsi que la fiche de Communauté si le jeu en prévoit une
  2. si vous jouez en ligne, utilisez un tapis de jeu auquel l’ensemble des joueurs auront accès. Miro.com est parfait pour cela si la partie comprend 4 joueurs ou moins. Roll20 ou tout autre outil de table virtuelle dédiée aux jeux de rôle convient parfaitement – assurez-vous que l’ensemble des joueurs soient à l’aise avec l’outil et guidez-les si besoin. Placez sur votre tapis de jeu les fiches de Personnages et les Cadres ainsi que la fiche de Communauté si le jeu en prévoit une
  3. si votre jeu BoB utilise des Jetons, assurez-vous que les joueurs peuvent y avoir accès à tout moment

La partie

  1. Discutez de la durée de votre partie
  2. Présentez les thèmes du jeu en lisant à haute voix son texte d’introduction 
  3. C’est le bon moment pour transmettre les conseils qui vous semblent adéquats : silence, pause, être à l’aise avec les thèmes abordés, etc..
  4. La partie débute ! 
  5. Suivez les étapes de ce guide pour la création des Personnages et des Cadres
  6. Poursuivez avec la fiche de Communauté
  7. Quand la colonne de gauche de la fiche de Communauté a été remplie, débutez le mode “idle dreaming” 
  8. Après une ou deux Scènes, proposez de faire une pause.
  9. Après la pause, la partie reprend. Reprenez le mode “idle dreaming” jusqu’à ce que les Scènes commencent à s’enchaîner naturellement pour quitter le “idle dreaming”.
  10. Amusez-vous bien !

Timing

Les étapes 1 à 7 prennent en général une heure. 

Gardez cela en tête si votre partie se déroule sur une seule séance.

Pour quelques BoB de plus

Voici une liste non exhaustives de jeux Belonging Outside Belonging : https://itch.io/c/674342/belonging-outside-belonging

Malheureusement l’offre actuelle est surtout anglophone.

Mais voici néanmoins quelques titres actuellement disponibles en français. 

Par chance ces jeux sont excellents !

Si vous recherchez des joueurs pour jouer à des jeux BoB, voici quelques communautés en ligne vers lesquelles vous tourner pour proposer des parties :

Sources

Les conseils présents dans ce document sont en partie tirés de deux très bons jeux créés par des auteurices passionné-e-s qui ont su prendre le label BoB pour l’emmener sur des voies nouvelles. 

Merci à Melville pour 3 jours de soleil.

Merci à Jamila R Nedjadi pour Balikbayan.

Merci à Avery Alder pour Dream Askew.

Remerciements

Ce guide n’aurait pas été complet sans l’aide des nombreuses personnes qui se sont prêtées à sa relecture. Leurs conseils, critiques et commentaires ont été une vraie chance pour moi de parvenir à prendre du recul. 

Un immense merci à : JC Nau, Rico Tamama, Olivier Sanfilippo, Nadia Cohen, Corentin Dachy, Melville Tilh-Pluñvenn, Tyrannoeil, LisaBanana, Macalys, Gaël Sacré, Dominik, Tom, Irwin, Aetlas, Nico le Vif, Angela Quidam, AsgardOdin, Guy Blavin, Simon Li, Nimaël (et j’en oublie peut-être, n’hésite pas à me le signaler)

Merci à vous lectrices, lecteurs. J’espère que ce guide vous sera utile lors de vos prochaines parties. N’hésitez pas à me faire parvenir vos remarques et questions. Ce document est conçu pour être vivant, et je l’enrichirai avec plaisir de vos retours.

L’illustration de cet article vient du jeu Dream Askew par Avery Alder.

Matthieu B

Passionné d'informatique et de jeux de rôle, aime beaucoup trop parler de lui à la 3ème personne. Publie sur C'est Pas du JDR, créateur de forthedrama.com, anime un collectif en ligne dédié au partage, l'entraide, la transmission et l'accessibilité des jeux de l'imaginaire.

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