Interview de Nadg – créatrice de jeux, traductrice et autrice de guides

Nadg a répondu à un questionnaire en ligne et voici ses réponses.

Nadg publie des guides dont je vous ai déjà parlé ici ou pour expliquer / aider à rendre les jeux plus inclusifs dans leurs formes comme leurs fonds. Elle est la traductrice du jeu Scrap de Cezar Capacle.
Nadg est selon moi une fabuleuse touche à tout qui a la tête bien sur les épaules. En témoigne le soin qu’elle apporte à ses productions et la quantité de travail qu’elle fournie à chaque fois. Elle participe également activement à la communauté en ligne L’Un des Quatres.

Qui êtes-vous?

Je suis Nadg, une créateurice de 22 ans. Et certainement pas 3 kobolds sous un trenchcoat, qu’allez vous imaginer là ?

https://nadg.itch.io/ @NadgJdR

Quand avez-vous réalisé que vous vouliez créer du contenu pour le JDR?

Réalisé? Jamais, j’en ai toujours fait. A l’époque j’appellais ça du “jeu-aventure”, puis j’ai fait du théatre qui a un peu assouvi ma soif de narration. Mais d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé les arts narratifs. Le JdR est juste celui qui me convient le mieux. Je me souviens très bien du jour où j’ai réalisé que je pouvais apporter quelque chose à la communauté en revanche. Une enième discussion sur l’écriture inclusive qui dérapait alors qu’un auteur demandait des conseils, une discussion qui m’a tellement énervée que j’en ai fait un petit flyer et créé un compte itch.io pour le partager.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de le faire?

Pendant des années (et quand on a 5 ans de JdR, “des années” c’est BEAUCOUP) j’ai été complexé par les actuals play qu’on trouve sur le net, et par les vieux joueurs qui ont “commencé en 1492 avec la boite verte de Tunnels and Trolls”.

Pendant longtemps j’ai cru que je ne pourrai jamais être MJ, puisque je n’avais ni barbe ni voix grave.

Et puis j’ai réalisé que c’était faux. J’ai commencé à prendre confiance en moi, à trouver des role models qui me ressemblaient un peu plus, et maintenant je veux moi aussi montrer au reste du monde que la barbe ne fait pas le narrateur.

Quelles sont vos sources d’inspiration lorsque vous créez? Pourquoi?

Tout ce que je trouve? Plus serieusement, quand je crée du JdR j’aime prendre une de mes oeuvres préférées et en extraire les thématiques, pour les replacer dans un autre univers. Quand je crée des documents pédagogiques, malheureusement je m’inspire du vrai monde et de l’ignorance crasse qui blesse, pour expliquer calmement comment faire autrement.

Et puis si je vois un bon JdR, je vais aller essayer de le traduire. J’espère parler assez le suédois un jour pour rendre les jeux nordiques plus accessibles !

Pouvez-vous nous présenter vos créations? où peut-on les trouver?

Je suis surtout connu-e (je pense) pour mes flyers. Comment représenter un couple gay en JdR? Une personne trans? Comment utiliser l’écriture inclusive, que faire si je ne supporte pas le point médian? J’essaye de répondre a ces question avec des petits documents simples, sans perdre de temps à faire la morale pour aller droit au but.

A terme je veux avoir une collection qui couvre autant de sujets que possible, des personnes racisées a diverses religions, des morphologies aux handicaps, tout regroupé au même endroit et sous un même format. Je fais aussi des jeux, meme si je n’en ai pas publié beaucoup sur ma page. Et je fais de la traduction et du code de JdR aussi 😀

Quelle est votre démarche créative? Est-ce que cela vous prend beaucoup de temps?

Créer un de mes flyers me prend un temps monstre. Si je ne suis pas concernée par un sujet, je vais devoir me renseigner en profondeur, puis trouver des rôlistes concernés. Quand je leur pose mes questions, je me rend alors compte que personne n’a exactement le même point de vue, et j’essaye de faire une synthèse qui fasse consensus. Et évidemment quand vient la relecture par les dits concernés, il faut à nouveau tout changer et réfléchir à chaque mot pour être clair et juste en un tout petit format. C’est énormément de travail, surtout pour des flyers vendus à prix libre. Mais c’est important pour moi que tout le monde puisse accéder à ces ressources et s’améliorer. Et c’est toujours l’occasion de rencontrer des gens chouettes ! – Créer un JdR est plus facile: j’ai des idées rangées dans un dossier, et quand l’une d’entre elle est mature pouf, ça fait des chocapics. Ou presque, en une semaine je peux avoir testé, écrit, mis en page et publié un petit jeu. J’ai quelques GROS projets sur le feu aussi, mais ça c’est une autre histoire. Un jour j’en finirai un. Ca ne fera que 4 ans que je bosse sur Aube et Crépuscule, un GN en 4 actes et demi par exemple… En attendant j’essaye de progressivement m’atteler à des projets de plus en plus gros et de les finir chacun leur tour.

Avez-vous des thèmes importants que vous souhaitez transmettre par vos créations?

Le JdR est à tout le monde. Je veux oeuvrer pour un monde où aucun jeune queer ne se verra dire “non mais là ton PnJ genderfluid, ça sert pas l’histoire son genre?”, où aucune jeune MJ ne se verra dire “Oh! Une femme MJ”, et où les jeunes auront autant de légitimité que les vieilleux qui jouent depuis 50 ans. Le JdR c’est bien, mangez en.

Quels conseils donneriez-vous à de jeunes créateur(ice)s qui hésiteraient à se lancer?

Tout le monde, je dis bien TOUT le monde à commencé par un petit truc un jour. Personne ne s’est dit “allez hop je vais faire créateurice”. Un jour on regarde en arrière et on se rend compte qu’on l’est. Et quand on regarde devant on voit tout ce qu’on peut faire. Le JdR est un petit monde, mais il est bien assez grand pour que tu y trouves ta place.

Quels sont vos futurs projets – si vous en avez?

L’avenir du JdR c’est l’informatique. Je suis en train de coder une plateforme pour jouer à un JdR solo qui s’y prete tout particulièrement: Débris. La manipulation de polyminos façon tétris et le cycle de jeu assez procédural le rendent non seulement très ludique à jouer, mais aussi très facile à adapter! Plus d’info prochainement sur mon twitter :p

Comment voyez-vous évoluer les JDR dans les prochaines années?

Je peux prendre le même ton prescripteur que les vieux pontes qui râlent au premier jeu sans MJ? Je peux? _toussote_ L’avenir du JdR passe par deux axes. Le premier, c’est accueillir la nouvelle génération. Il n’y a pas d’avenir sans succession, et le JdR a toujours été un endroit qui accueille les marginalisés, un monde ou on peut être qui on veut.

Le JdR doit, et va, évoluer vers plus d’inclusivité, se faire plus accueillant pour ne pas rester à patauger dans la même mare boueuse. D’autres communautés ce sont d’autres imaginaires, d’autres façon de voir les mondes, d’autres axes de jeu à explorer. Ce serait incroyablement dommage de passer à coté – et de toutes façons les gens n’ont pas attendu que la porte s’ouvre pour se créer leur niche. Shizumaru disait récemment “Entre les JdR en 4 pages ou tu joues un polycule lesbien à l’époque de la commune et les jeux med fan traditionnels, il n’y a pas deux camps définis”. Il y a un spectre, et des centaines de mondes à explorer.

Le deuxième, c’est une plus grande utilisation de l’informatique. On le voit avec l’explosion des tables en lignes, de Roll20 à Let’s roll. Avec les actuals plays, avec dungeon alchemist qui propose un monde en 3D, avec Yazeba Bed and Breakfast qui a son propre moteur de jeu, avec For The Drama qui est une VTT unique en son genre. Les grand jeux mainstream l’ont bien compris, même DnD le vénérable s’y est mis. Mais le monde du JdR indépendant en particulier a beaucoup à apprendre du monde du jeu vidéo indépendant.

Ce sont deux communautés de créateurices qui se parlent peu, alors que nous partageons énormément en terme de philosophie, de passion, ou même de plateforme – itch.io est l’endroit idéal pour lier les deux.

Merci d’être venues à mon ted talk.

 

Matthieu B

Passionné d'informatique et de jeux de rôle, aime beaucoup trop parler de lui à la 3ème personne. Publie sur C'est Pas du JDR, créateur de forthedrama.com, anime un collectif en ligne dédié au partage, l'entraide, la transmission et l'accessibilité des jeux de l'imaginaire.

1 Comment

  1. Superbe interview.
    J’ai été très touché par cette phrase de la conclusion (surtout la 2e partie) : “Il n’y a pas d’avenir sans succession, et le JdR a toujours été un endroit qui accueille les marginalisés, un monde ou on peut être qui on veut.”
    Merci pour la découverte et pour avoir touché mon petit cœur de rôliste 🙂

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