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Une interview de Evlyn Moreau, une illustratrice et rôliste québécoise

Je poursuis ma série d’interviews dans l’univers des jeux de rôles. Je me laisse guider par mon envie de donner la parole à des personnes dont les travaux me touchent particulièrement. Et aujourd’hui je suis très heureux de publier cet échange avec une illustratrice dont les œuvres sont à la fois magnifiques, étranges et très inspirantes. 

Evlyn, pourrais-tu nous dire qui tu es ?

J’ai étudié en anthropologie et en bande dessinée, je suis Québécoise, je vis à Montréal avec deux chats et je dessine tout le temps. Avant la covid je travaillais comme aide bibliothécaire mais maintenant je dois me débrouiller en tant qu’illustratrice. Je maintiens un blog jeu de rôle, Le Chaudron Chromatique depuis 2012. J’ai été très active dans la communauté Old School anglophone par l’entremise de mon blog, mes zines et mes illustrations. J’ai illustré plusieurs projets de jeux de rôles et j’ai piloté aussi quelques petits projets de zines collectifs. J’ai beaucoup d’affection pour les monstres et les créatures étranges que je dessine.

Est-ce que tu pourrais me citer quelques travaux d’illustrations dont tu es la plus fière ?

C’est difficile à dire, je dessine depuis des années mais je n’ai jamais réussi à publier professionnellement et je me suis malheureusement habituée à sous-évaluer mon travail, ça me donne souvent l’impression que ce que je fais n’est jamais assez bien. Le mot “fière » est très intense et me fait un peu peur. 

En 2006-2008 je blogais beaucoup en tant que bédéiste, je faisais partie d’une belle cohorte d’artistes québécoises qui s’épanouissent dans le terreau des blogs BD. Je devais publier aux édition de la Pastèque mais c’était aussi une période difficile pour moi en tant que femme transgenre, j’avais peu de ressources pour m’aider à comprendre mon identité et pour faire ma transition. En 2008 j’ai été nominée par la revue Zinc comme espoir féminin de la relève en illustration et quelques semaines plus tard j’ai succombé sous la pression, je ressentais trop que c’était impossible pour moi de faire une transition, j’ai tout arrêté et j’ai fait une douloureuse détransition. 

J’ai ainsi perdu beaucoup de confiance en moi, j’avais complètement cessé de dessiner mais grâce aux jeux de rôle et à mon blog j’ai réussi à dessiner à nouveau. Cette expérience m’avait beaucoup traumatisée et même après avoir recommencé à dessiner j’évitais d’entamer des projets à cause de ma peur de l’échec, j’ai dû faire un peu de thérapie pour être capable de faire des zines sans que ce soit trop anxiogène pour moi. Même aujourd’hui ça reste une peur que je dois gérer lorsque je travaille dans mes projets.

Pour revenir à mes dessins, disons que j’aime presque tout ce que je poste en ligne, j’adore surtout mes illustrations qui transmettent bien mes émotions, j’aime aussi celles qui sont empreintes d’un mélange de délicatesse et d’étrange. Peut-être parce que dessiner me réconforte beaucoup, je perçois un peu mes illustrations comme mes petites créatures chéries (même les plus monstrueuses) et je ne pourrais pas choisir qu’elles sont mes préférées.

Je comprends que tu aies du mal à choisir, tes illustrations sont toutes magnifiques  

Je me permets d’en sélectionner quelques-unes pour que les lecteurs puissent se faire une idée. Et je vous invite chères lectrices et chers lecteurs à jeter un œil aux liens publiés à la fin de cette interview pour en découvrir beaucoup d’autres.

Peux-tu présenter ton blog ?   Je m’aperçois que je ne le connaissais pas et que c’est une véritable mine d’or de contenus – avec toujours plus d’illustrations à tomber 

C’est avec Le Chaudron Chromatique que j’ai recommencé à publier des dessins en 2012. Au début j’avais un peu peur que mon style graphique assez atypique pour les jeux de rôles ne soit pas bien reçu mais j’ai été agréablement surprise par l’enthousiasme que mes illustrations ont suscité. Poster sur mon blog m’a permis de réseauter avec la communauté old school anglophone, à me faire des amis et à reprendre un peu confiance en moi. A l’époque, la communauté OSR était un foisonnement de créativité incroyable, le travail des uns inspirait celui des autres, c’était incroyablement stimulant d’échanger des idées. Ça m’a fait un grand bien de faire partie de cette communauté. Éventuellement j’y ai rencontré des femmes trans rôlistes qui sont devenues mes meilleures amies. De reprendre confiance en moi et d’avoir des amies trans, m’a permis de me retrouver et d’éventuellement faire un coming out puis de faire une nouvelle tentative de transition, qui cette fois s’est avérée positive. 

Malheureusement vers 2016, à cause de certains mauvais acteurs, la communauté OSR est devenue de plus en plus problématique et j’ai dû couper plusieurs ponts pour me protéger. Ce fut un moment difficile, j’avais mit mon blog en pause et je m’étais retirée de la communauté rôlistes pendant plusieurs mois. Éventuellement les choses ont changé et je me suis sentie assez en sécurité pour reprendre contact avec la communauté et j’ai recommencé à poster sur mon blog. Les blogs n’ont plus vraiment la même importance qu’ils avaient avant mais j’aime tout de même encore y poster des articles et des aventures que j’illustre moi-même. Avant la covid il y a eu un beau retour d’activité sur les blogs old school créé par la synergie de plusieurs podcasts JdR anglophone, tel que le Frothcast et son blog-o-rama qui était très inspirant. Ces temps-ci je suis moins active sur mon blog, avec la covid je trouve cela plus difficile d’être inspirée et de bloguer régulièrement, mais l’inspiration devrait éventuellement me revenir. 

Sur ton blog, on trouve en plus de tes illustrations des zines que tu as pilotés et auxquels tu as participé. Peux-tu en dire quelques mots ? Quel genre de contenus peut-on y trouver ?

Dans l’esprit de la scène old school, j’ai surtout fabriqué des zines collectifs, j’adorais ce mélange d’idées et d’influences. J’attirais aussi autour de moi des personnes assez diverses, c’était vraiment stimulant.

Je dessinais une carte et les gens décrivaient les lieux que j’avais numérotés. Je m’occupais ensuite de tout assembler, d’ajouter quelques illustrations et des tables aléatoires. J’aime beaucoup inspirer les autres avec mes illustrations, parfois je dessine quelque chose et quelqu’un me surprend en l’interprétant d’une façon inattendue, c’est toujours un plaisir lorsque ça arrive. 

J’ai aussi réalisé quelques zines solo ou j’écris et illustre tout moi-même. J’ai beaucoup aimé l’impression sur demande car ça me permettait d’expérimenter avec différents formats et d’imprimer sans avoir à débourser le coût de plusieurs copies et de courir le risque de me retrouver avec des boîtes d’exemplaires invendus. Cette formule m’a même permise de produire quelques paquets de cartes. Je trouve que l’impression sur demande à eu un effet stimulant sur la scène JdR “do it yourself”. 

Présentement je travaille sur un zine de L’Appel de Cthulhu qui porte sur le thème des livres et des tomes magiques ou maudits et j’ai demandé à diverse personnes de s’imaginer en auteurs du mythe et d’inventer un livre qu’ils auraient pu écrire. Mon but c’était de recueillir ainsi des contributions qui ont un petit quelque chose d’autobiographique et qui explorent notre amour des livres. 

Avec des copines trans je travaille aussi sur un module pour Troika qui se déroule dans un astéroïde qui voyage dans l’espace depuis plusieurs générations. 

C’est excellent ce concept de travail collectif autour d’une création comme une carte qui est enrichie par la suite ! Je vois passer parfois des exemples similaires sur les réseaux sociaux. Du coup, comment procèdes-tu pour rassembler les contributeurs ? Quel moyen utilisez-vous pour échanger ?

Lorsque j’étais sur Google+ je postais tout simplement une carte avec des numéros pour identifier divers éléments de la carte et les gens qui me suivaient utilisaient les commentaires pour poster des descriptions. Après j’assemblais le tout pour en faire quelque chose de cohérent, j’ajoutais quelques détails ici et là pour créer des liens entre les divers lieux et éléments. Lorsque les gens décrivaient le même lieu par erreur, je fusionnais les descriptions ou bien je présentais les descriptions additionnelles comme des rumeurs. Nous parvenions ainsi à décrire une carte composée d’une trentaine de lieux en seulement quelques jours. 

Malheureusement avec la disparition de G+ c’est maintenant plus difficile de se rassembler autour d’une carte. C’est presque impossible à faire sur Twitter étant donné comment la plateforme hiérarchise les commentaires et sur Facebook l’algorithme complique aussi les choses. La formule fonctionne assez bien sur Discord mais étant donné que les communautés que je fréquente sont plus petites et que les gens sont moins actifs, les projets collectifs s’essoufflent beaucoup plus rapidement. Comme par exemple pour mon projet de l’astéroïde, je travaille présentement sur un Discord et nous nous sommes limitées à six éléments à décrire pour être certaines d’être capable de finir le projet, alors qu’a l’époque de G+ j’allais jusqu’à 30 ou 40 éléments.

Il y a certainement des outils plus spécialisés qui permettent de mieux travailler ensemble mais encore une fois, probablement avec de plus petits groupes. Il y a certainement place à expérimentation. 

Tu travailles en ce moment à un projet de JDR appelée Orbital Megastructure à propos duquel tu as déjà publié 2 vidéos (à ma connaissance) vraiment alléchantes ! Est-ce que tu peux me parler de ce projet ou est-ce top secret ? 

Ha ha, non ce n’est pas top secret, j’essaie de réécrire les tables aléatoires de Macchiato Monsters pour permettre de jouer des personnages post-humains qui tentent de survivre dans les ruines d’une sphère de Dyson, le tout inspiré principalement du manga Blame de Tsutomu Nihei. 

J’essaie de créer un méga donjon qui se joue comme un “points crawl” et aussi comme un sandbox. Les personnages explorent une carte constituée de points interreliés entre eux qui forment différents secteurs de la mégastructure. Chaque secteur est caractérisé par une condition différente et constitue un petit écosystème. Tout est généré aléatoirement étant donné que c’est important pour moi de pouvoir être surprise et de faire des découvertes en même temps que le groupe. Jouer demande très peu de préparation pour la meneuse de jeu, ce qui est aussi un point important pour moi. 

Ce que j’adore dans le manga Blame et dans l’anime Girls’ Last Tour, c’est l’errance des personnages dans une architecture démesurée et sans fin qui est à la fois familière et mystérieuse. Un de mes buts est de recréer ce sentiment d’errance et de sensation de grandeur de la mégastructure. Je m’inspire beaucoup du manga mais naturellement j’y ajoute aussi ma touche personnelle, on y retrouve mon amour pour les bestioles, les écosystèmes et la diversité des personnages. 

Mes illustrations vont contribuer aussi beaucoup à l’atmosphère du jeu, j’ai déjà crayonné une centaine de créatures cybernétiques et je veux faire plusieurs autres illustrations. Souvent je dessine quelque chose et je décide ensuite de l’intégrer dans le jeu.   

Présentement je fais jouer une campagne pour me permettre de tester mes procédures et mes tables aléatoires. Je ne suis pas une très bonne game designer, dans le sens où je ne suis pas très bonne pour abstraire des concepts de jeu, je dois me fier à mes essais et mes erreurs pour comprendre ce qui fonctionne bien ou non. C’est pourquoi pouvoir playtester est un outil immensément précieux pour moi. Je pense que je suis très bonne pour noter ce qui fonctionne bien ou non, et tester m’aide beaucoup à faire des ajustements. Je suis contente aussi de pouvoir playtester avec un groupe divers, ne pas être minoritaire dans mon propre groupe m’aide à ne pas m’oublier.

Éric Nieudan, l’auteur de Macchiato Monsters, me soutient dans mon travail et ça m’aide beaucoup aussi. J’ai toujours cette peur d’échouer encore, mais jusqu’à maintenant je m’accorde le droit de croire que je pourrai peut-être réussir à terminer ce projet et à enfin publier un livre.

C’est chouette que tu sois épaulée par Eric. C’est vraiment un chic type.

En tout cas j’ai vraiment hâte de voir ton projet se développer car les vidéos que tu as publiées récemment sur youtube et les aides de jeux que tu as publiées sur itchio font vraiment envie !

Te voir mêler ton amour des JDR et tes illustrations, c’est un vrai bonheur – et je sais qu’il y a beaucoup de monde qui partage avec moi cette impression

De là où j’observe les pratiques de JDR, j’ai l’impression qu’il y a de plus en plus d’auteurs LGBTQIA+ qui publient des jeux absolument dingues en terme de diversité des thèmes abordés et en terme de créativité. Mais j’ai 2 gros biais : je lis et j’échange beaucoup avec des personnes qui publient sur itchio, et je connais très mal les difficultés que rencontrent notamment les auteurs transgenres dans nos sociétés. 

Peux-tu m’en dire plus sur ce que c’est aujourd’hui d’être une femme trans rôliste ?

Personnellement je dirais que malgré quelques tracas je m’épanouie assez bien. Petit à petit je me tisse un réseau de personnes trans, de femmes et d’alliés rôlistes et ça m’aide beaucoup à persévérer malgré mes difficultés personnelles liées à ma transition et à la pauvreté. J’essaie d’être authentique et les gens me soutiennent bien. Mais je connais aussi des femmes trans qui se sont retirées de la scène rôliste pour diverses raisons, je les comprends, j’ai parfois été aussi tenté de faire la même chose. 

Lorsqu’on sort des petites communautés queer ou alliées on rencontre trop facilement du sexisme et de la transphobie, parfois indirecte mais parfois très directe aussi. En combinant ces mauvaises expériences avec les choses transphobes qu’on rencontre en ligne sur une base presque quotidienne, on peut aisément accumuler beaucoup d’appréhensions et de frustrations et désirer de se retirer. 

J’ai l’impression que tout ça c’est un peu moins prononcé dans le milieu rôliste (comparé au milieu du jeu vidéo) mais il faut dire que j’évite les grandes communautés rôlistes. Malgré que je sens que je m’épanouie dans la communauté rôliste, je dois avouer que cette prudence fait en sorte que je limite ma sphère sociale, je me cantonne dans les petites communautés que je sais “safe” et ça restreint ma portée de diffusion ou de promotion lorsque je publie mes projets. Aussi je ressens encore trop d’anxiété pour participer aux grandes conventions, comme par exemple j’ai refusé des invitations pour participer aux panels de la convention du Gauntlet et de la Cyber Conv malgré que je sais que ces conventions font des gros efforts pour être inclusives, tout ça fait en sorte que je suis moins visible. 

Parfois je me demande si d’écrire et de discuter régulièrement de transidentité restreint mon audience, mais j’ai l’impression que c’est un questionnement commun pour toutes personnes minoritaires. Je me suis rendu compte récemment que j’évitais inconsciemment de jouer des personnages trans par souci de sécurité, j’ai décidé de changer cela et je me laisse maintenant petit à petit le droit de me représenter dans mes parties de jeux de rôle et dans mes productions. J’offre aussi mes services en tant que consultante pour les auteurs et les autrices de jeux de rôles qui désirent inclure des personnages trans dans leur jeux et leur modules. J’ai retravaillé les PNJ du module A Pound of Flesh de Mothership qui a remporté un prix Ennie et je suis très contente du résultat. Sean (l’auteur du jeu) dit que m’a contribution à beaucoup amélioré le module. J’espère bien renouveler l’expérience mais pour l’instant je ne reçois pas de demandes, ça me donne l’impression que plusieurs auteurs et autrices de jeux de rôles hésitent encore à inclure des personnes trans dans leur produits.    

Est-ce qu’il a un ou plusieurs projets que tu souhaites aborder en particulier ? Que ce soit en illustration, jdr ou autre ?

J’ai aussi un projet de donjon tout mignon que j’aimerais réaliser avec des amies illustratrices et bédéistes qui dessinent de la fantasy mais qui ne sont pas rôlistes. Je crois que c’est possible de créer des livres de jeux de rôles en utilisant des illustrations comme blocs de construction. Au lieu que l’illustration ne soit qu’un élément décoratif qui accentue le texte, je pense qu’il peut y avoir une relation beaucoup plus interactive entre le texte et le dessin. Je trouve intéressant lorsque les illustrations peuvent parfois venir en premier et que le texte peut ensuite ajouter aux illustrations, pour moi c’est important qu’il y ait un dialogue entre ces deux éléments. J’aimerais explorer ce concept plus à fond avec mes amies illustratrices. Mais pour ce faire il faudrait que je sois en mesure de pouvoir payer leur travail, ce qui implique probablement de mettre sur pied un moyen de socio financement, ce qui m’effraie un peu. 

Mais bon je veux tout d’abord réussir à publier Orbital Megastructure sous la forme d’un livre pour enfin être “publiée”. Après je me sentirai plus en confiance pour mener d’autres projets. Qui sait? Peut-être qu’un jour je réussirai même à publier un album de bande dessinée?

C’est génial ce projet JDR très orienté par les illustrations, c’est certain que cela peut donner un résultat génial.

Un dernier mot pour vous signaler qu’une aventure en une page pour le jeu Sodalitas vient d’être publiée « L’île du mage Moreau » pour laquelle Evlyn a réalisée les illustrations. Je vous invite chaudement à aller la découvrir et en même temps découvrir ce superbe jeu créé pour de jeunes rôlistes! https://itch.io/s/35294/sodalitas-aventures-adventures

Merci beaucoup Evlyn d’avoir accepté cette interview. Je suis certain que cela va permettre à de nombreuses personnes de te découvrir et de devenir fans!

Quelques liens pour découvrir les travaux d’Evlyn Moreau

Mon blog JdR: http://chaudronchromatique.blogspot.com/

Mon patreon: https://www.patreon.com/evlynmoreau

Mon twitter: https://twitter.com/EvlynMoreau

Mon instagram: https://www.instagram.com/evlynmoreau/

Les PDF de mes zines: https://drive.google.com/drive/folders/15uisPoVVbS2ztNHSmkrkn4-YQ7r-HAzE

Ma page art station: https://www.artstation.com/evlynmoreau

Mes paquets de cartes: https://www.drivethrucards.com/browse/pub/8550/Evlyn-Moreau

Ma page RedBubble: https://www.redbubble.com/fr/people/Gwion/shop

Ma page Ko-Fi: https://ko-fi.com/M4M85ZSV

Mon blog portefolio: https://evlynmoreau.blogspot.com/

Matthieu B

Passionné d'informatique et de jeux de rôle, aime beaucoup trop parler de lui à la 3ème personne. Publie sur C'est Pas du JDR, créateur de forthedrama.com, anime un collectif en ligne dédié au partage, l'entraide, la transmission et l'accessibilité des jeux de l'imaginaire.

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